mercredi 1 juillet 2015

Convoyage retour de "Marylou"

Martinique-Açores (Terceira) 
Récit de Michel Ligonnet.

Salut les Amis,

Je crois qu’on vous doit bien un petit résumé du convoyage de "Marylou" qui retourne à la maison après une Transquadra menée de main de maîtres à une superbe 4ème place, par Daniel Peponnet et Daniel Godart.

30-04-2015
On se retrouve Yves Thery, Victor Maldonado et moi-même à l’aéroport pour le vol Paris – Martinique.  Que de mois d’attente pour ce voyage, qui pour nous tous est l’accomplissement d’un rêve de gosses… Bien que Victor l’ai déjà fait dans l’autre sens lors de La Route du Chocolat.. Reliant ainsi la France au Mexique.

1er Mai :
Réveil à la Martinique où Yves nous avait réservé une chambre dans un endroit superbe. Balade, petit tour au port du Marin pour y retrouver les Peponnet qui nous laissent la place à bord de "Marylou". 



Découverte du bateau, courses et dernier dîner de langouste les pieds dans l’eau avec Patricia, "femme djock"  et collègue de travail de Yves qui nous amène à la découverte de ce coin de l’Île aux Fleurs! Zipzap-Ouabap, on y est !!!

2Mai
Dernières courses au super du port et à 10h34 exactement, on largue les amarres. La baie du Marin est superbe ! Il y a 15nds de vent et on contourne l’île par le sud-est. Dés les premières encablures, nous rencontrons nos premières sargasses, notre vitesse chute immédiatement de 7,2nds à 5,5nds…et nous apprenons rapidement qu’il nous faudra faire régulièrement marche arrière pour nous en débarrasser.
Il faudra également suivre de près notre conso électrique, car la vitesse est juste limite pour recharger correctement nos batteries. Surtout avec ces sargasses qui se prennent partout et de préférence dans l’hydro. Sur notre bâbord, La Martinique s’estompe petit à petit vers l’horizon. Première nuit magique et organisation de nos tours de veille qui se feront toutes les 3h entre 22h00 et 7h00.

3 Mai
Bacon & Eggs pour le petit dej à la gîte. 15nds de vent, mais on se traîne au prés, les sargasses envahissent l’océan est c’est toutes les 40-45’ que nous devons lofer bout au vent pour arrêter le bateau, reculer quelques mètre et repartir…


4 Mai
Journée douche et lessive; toujours 
au près. Le vent a un peu molli.
Daniel nous guide par mail - satellite et il nous indique un lièvre 200NM devant, un concurrent de la Tranquadra sur le retour. Victor et Michel se mettent à peaufiner les réglages, Marylou gîte quelques degrés de plus et Yves cherche un peu de confort pour poser ses fesses…et toujours les sargasses...

5 Mai
La vie s’organise sur "Marylou"….nettoyage, rangements, Michel nous fait ses Tuna-Mayo-Wraps avec notre Salsita qui devient le condiment indispensable de la majorité de nos repas frais. Ciel bleu, rues de cumulus et 12nds de vent. C’est aussi le premier passage au « Pot au Noir » pour tout l’équipage…qui essayait d’y résister…en fait c’est pas si mal et la vue imprenable, tant que tu es au vent !!
On est en mode course car Daniel nous a envoyé la position d’un second Transquadra également sur le chemin du retour.

6 Mai
Cela fait déjà 4 jours que nous sommes au prés, tribord amure et le vent est à 22nds. Nous naviguons avec 1 ris GV droit au Nord et cela nous perturbe un peu…l’idée de faire route directe s’estompe et nous faisons cap vers les Bermudes. Nos vivres de frais commencent à diminuer; il reste 5 oignons, 1 banane, 12 citrons verts, 13 tomates, 4 paquets de pain, du jambon qui commence à sentir, des spags, 2 paquets de fromage et des conserves de thon. Du coup, on se lance pour expérimenter les plats pré-cuisinés (appertisés) de Daniel : au menu du jour, Choucroute et Chili con carne…pas mal..

L’après-midi, Victor me donne un cours avancé de barre au prés…il en sait notre Skipper et j’apprends un peu…
Le soir, Yves qui depuis le départ semble avoir un appétit d’ogre, réclame des spaghettis bolognaises, et c’est donc Bibi qui s’y met. Je ne vous raconte pas l’expérience culinaire, au prés, avec 30º de gîte et les vagues ! Mais qu’ils sont bons !

9 Mai
L’Océan est lisse comme un miroir. Pas un souffle d’air et "Marylou" se balance doucement au grès de la houle, voiles affalées et moteur coupé. Victor, qui a toujours une expérience à nous proposer nous invite à un petit bain Atlantique. Seulement voilà on est tous soudainement un peu frileux. Qui se jettera à l’eau par 4800m de fond? L’expérience est intéressante, et passé les premiers instants et une étrange sensation de vertige, (véridique), le bain est génial. Il faut aussi dire que 4.800m c’est presque le Mt Blanc, quand même marrant pour un Chamoniard !


10 Mai
Hier soir nous étions encore au prés serré, rafales à 20nds et beaucoup de gîte. Après le taboulé, je préparais une soupe au curry en versant l’eau bouillante dans mon bol, quand une grosse vague me fit perdre l’équilibre précaire dans lequel je me trouvais. Propulsé par une force invisible, je suis parti la tête la première, bien accroché à mon bol, contre le panneau d’instruments ! Dans un reflexe désespéré, je lâchais le bol d’une main pour ne pas m’exploser la tête sur le panneau…. Quel sacrifice,…Jaaaaaag !!! cria le cuisinier,  de la soupe bouillante plein les yeux, le visage et les narines…whooooo !!! encore et encore. Les yeux fermés je cherchais Yves qui me tendait un torchon et je me mettais sous le robinet pour essayer de calmer la douleur. Je passais ainsi les heures suivantes à faire des AR entre la bannette et le cockpit où l’air de la nuit rafraîchissait les brûlures qui commençaient déjà à apparaître. Heureusement, dans mon malheur, "Marylou" est un bateau de toubibs et la pharmacie préparée par les 2 Daniels valait celle de la Salle Petrière.
…du coup, l’énorme tube de biafine prit une bonne claque et se retrouva appliqué en grosses couches sur mon visage qui en avait fort besoin.
Quand à Yves et Victor, ils se retrouvaient de corvée de nettoyage du carré.

ORDONNANCE de Daniel Godart :
To: ELAN350-MARYLOU<Elan350 @SkyFile.com>,
Subject: Re: Marylou le 11-05
Date: Mon, 11 May 2015 17:22:51 +0000

« Bonsoir à vous 3 . Je pensais que la Brûlure de Michel était une plaisanterie de Victor et je n’ai pas du tout percuté . Pour toute Brûlure le plus important est d’immédiatement la laisser longtemps sous l’eau douce, j’espère que vous l’avez fait .
J’espère aussi que l’ Œil lui même n’a rien (Cornée normale? Pas de Douleur? Vision Normale?)
Pour la Peau : Si simple rougeur : Biafine
Pour les Cloques : désinfecter avec Bétadine et ensuite application de Fucidine Créme  Matin et Soir et laisser à l’air sans Pansement , ceci jusqu’à Cicatrisation . Eviter surtout+++ le Contact avec Eau de Mer si Plaies non Cicatrisées et se protéger++ du Soleil (Chapeau et Créme Solaire quand Plaies cicatrisées)
Si Douleur : Uniquement Paracétamol , surtout pas d’Antiinflammatoires(Ibuproféne)
Bétadine et Fucidine Créme dans Boite à Pharmacie .
Bien surveiller l’évolution , si doute sur une surinfection plus importante (Rougeur , Douleur , Ecoulement purulent , Fiévre ) me prévenir de suite pour mise sous Antibiotiques par voie Générale . Tenez moi surtout au courant .
Profitez bien de ces moments en Mer , même s’ils sont par moment difficiles , ils resteront inoubliables .
Bon Vent , Belle mer et bon Courage  . Amitiés à tous les 3 .
Pour tout Pb Médical évidemment contactez moi en suivant .
Daniel »

Comme quoi….essayez toujours d’avoir un bon docteur parmi vos amis !

RECOMMANDATIONS du père Ligonnet:
Subject: cuisine
Date: Mon, 11 May 2015 15:34:46 +0200
To: Elan350 @SkyFile.com

« Faire la cuisine c’est un métier, la faire sur un voilier au près par bonne brise, c’est un autre métier: il y a aussi plusieurs manières d’apprendre et je vois que tu le fais par la face Nord mais ce n’est pas forcément le meilleur moyen pour arriver plus vite au sommet. Dis à tes équipiers de bien nettoyer les fonds du bateau, on ne sait jamais avec le curry, c’est traître et comme dans tout mal il y a un bien, cela va calmer tes admiratrices. Si vous avez du Rhum dans la cambuse, verse-en tous les matins un petit peu dans l’Océan, tu feras plaisir à Neptune. Mais pas trop car il peut avoir l’alcool mauvais. Par mauvais temps il vaut mieux manger froid. Bonjour bonsoir bon vent et belle Mer.
La cellule de Soutien »

11 Mai
RELATIVITÉ : nous avançons doucement vers les Acores. La météo ne nous aide pas du tout, et c'est avec philosophie que nous continuons à aller vers le Nord et le froid, plutôt que de faire de l'Est. En effet il faudrait arriver à nous situer entre un Anticyclone (a notre sud) et une dépression (au nord), pour attraper le tapis roulant qui nous catapulterait alors au portant vers l'Europe comme un TGV. Cette nuit nous naviguons au moteur, car dans l'anticyclone avec Zéro vent. Une fois traversé, on devrait être là où il faut... on y est presque.

En attendant, situés par 32°04'92N et 51°17'13W, nous sommes plus proches de St Pierre-et-Miquelon ou de New York, que des Acores. Et plus éloignés de La Coruña que nous ne le sommes de Belize, le Groenland, Cancun ou des côtes de Mauritanie ! Comme quoi tout est relatif et dépend d'où l'on se situe.

Tout va bien et l'ambiance est très bonne. Les vivres fraîches sont achevées donc on attaque le lyophilisé/appertisé....comme les pros, ...berk!!!

15 Mai
Nous voilà de retour après 3 jours de black-out radio, mais ici tout va bien! Pas de nouvelles,...bonnes nouvelles ! C'est la faute à "tel-sat" qui n’avait plus de crédit ; du coup pas moyen d'envoyer notre situation ni recevoir les bulletins météos. Je dois dire que j'ai bien aimé, car finalement quand tu décides de traverser, c'est bien parce que au fond de toi tu veux te retrouver un peu, sans les complications et attaches qui habituellement te contraignent … non? Finalement, qu'est ce qu'on est bien sans tout ces trucs...
La bonne nouvelle, ces que l'on fait maintenant du vrai EST, nous naviguons cap au 90° sous spi  symétrique ou asymétrique, entre 6 et 7 nds ; c'est pas très rapide mais c'est régulier et agréable.



Les nuits sont d'un noir d'encre et l'on ne voit plus apparaître la lune depuis quelques nuits... le ciel est en permanence couvert; stratus, altocumulus...c'est un front chaud ou l'occlusion? En tout cas le vent est faible et du SW. J'essaye de me rappeler mes cours de météo mais ce n’est pas concluant...
La nuit dernière, fut un peu spéciale: d'abord l'on aperçoit un groupe de 3 baleines nageant paresseusement devant nous juste avant le couché du soleil...nous restons avec elles, foc affalé 15 minutes à les voir s'immerger et ressortir pour souffler de temps en temps,...superbe.

Il faut dire que cette traversée est surprenante par l'irrégularité de la progression et le manque de vent... ce qui nous à fait consommer pratiquement tout notre combustible pour passer au travers des anticyclones rencontrés sur le chemin. Avant-hier soir, encore encalminés, à 900NM des Acores et n'ayant plus que 15h de réserves de combustible pour recharger les batteries ou avancer de 70-80NM.
 Du coup, Victor a lancé un appel à un 
cargo qui croisait notre route et a la plus grande surprise de notre petit équipage, le capitaine a accepté de se détourner pour nous faire le plein ! Il nous a passé 2 bidons de 25l au bout d'un filin. C'était complètement surréaliste de nous trouver bord à bord et en pleine nuit ....pour faire le plein au milieu de l'océan! Un grand merci à son capitaine et l'équipage du THORCO AVANTGARDE.Cette nuit le vent est encore tombé...à 5nds, je crois que nous tarderons à atteindre les Acores-Horta. ETA 20h à Horta.

16 Mai
Içi tout va bien, et enfin nous avançons 
cap au 93º, en route directe sur notre objectif, l’île de Horta à 450 NM devant nous. Nous avons 18nds de vent au 40º apparent et l’allure est relativement commode, bien qu’il y ait beaucoup de gîte et les vagues de face. 
Au moins on avance à + de 7nds et le bateau est bien sympa à barrer.
Aujourd’hui encore nous avons une anecdote et une chance incroyable ! Etant (heureusement) à la barre et Victor à mon côté, soudain nous voyons et entendons un jet d’eau sortir directement sous notre étrave et alors Victor c’est mis à crier « baleine, abats, abats !!).  Juste le temps de pousser la barre à roue quand nous voyons LITTERALEMENT glisser le long de la coque une baleine 2 fois la taille de "Marylou"! Elle passe tellement près, qu’on la voit nous regarder de son gros œil !!! 


Pas de choc, heureusement. Pas satisfaite de nous avoir effrayé, elle décide alors de nous suivre et voilà que nous passons 25 bonnes minutes avec notre amie nageant à 7 nds à côté ou derrière nous… ressortant toutes les 45’ à la surface, pour nous montrer son ventre blanc ou replonger entre 2 eaux juste sous notre vent, quand nous décidons de lui mettre de la musique. Et le tout entre 5 et 30m du bateau! Quelle émotion et quelle majesté !

À moins d’un changement de plan, c’est donc à Terceira que nous laisserons Marylou où Daniel viendra plus tard le récupérer. Dommage, nous ne pourrons pas terminer la traversée, mais avec 950NM restants pour atteindre Lisbonne ou La Coruña, Yves et Victor n’ont plus le temps.







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